Artiste : Bee-Shoo

Bee-Shoo

La photo s’est imposée à moi depuis toujours. Je suis avant tout un « regardeur », un « observateur », en retrait, qui se remplit de toutes les images qui traversent son univers. Parfois même, quand je raconte des histoires, je me les imagine d’abord comme une série de photos. Ce qu’il y a à la fois de merveilleux et d’horrible dans la photo, c’est que c’est un espace limité. Horrible parce que ce n’est qu’un bout d’univers que l’on capture dans des contours physiques. Mais en même temps, c’est une ouverture merveilleuse sur un monde illimité ; une ouverture mentale qui nous permet de nous projeter dans toutes les dimensions, dans toutes les atmosphères.

J’ai fait beaucoup de photos au cours de mon itinéraire-errance, itinérance ; beaucoup de photos des personnes que j’aime et de ma famille. Elles portent en elles l’ensemble de mon histoire. J’ai aussi fait beaucoup de photos pour m’essayer à plein de genres. Et je sais que ce n’est jamais l’appareil qui est en faute, c’est toujours celui qui appuie sur le déclencheur. Je me suis rendu compte que les photos sont comme des écritures, comme des façons de laisser des traces de son histoire, comme les souvenirs du mouvement parfois complètement chaotique de son être.

Je ne suis pas photographe. J’aurais peut-être voulu l’être. Je veux sans doute l’être un jour. Je n’en sais rien. Mais j’aime ce travail de mémoire, ce travail de sauvegarde. Il s’ajoute à toutes nos tentatives désespérées de survivre à notre mort. Je suis d’ici et d’ailleurs. D’ailleurs, cela n’a pas grande importance. Je ferai des photos pendant encore toutes les années de mon existence, si j’en ai encore la force et la possibilité. Ce qui sera d’autant plus facile que nos mobiles, de plus en plus performants, deviennent de véritables appareils photo miniatures.

Il y a sans doute aussi quelque part, d’une certaine façon, un désir caché de posséder. Posséder des espaces-temps, des formes, des couleurs, des vies, des femmes et des hommes, pour les faire miens ; pour m’en nourrir. Cela me fait penser à la façon dont les natifs d’Amérique considéraient les premières photos qu’ils découvraient, d’eux et des autres. Il y a quelque chose du vol dans une photo. Ne dit-on pas qu’on capture une image ? Les photographes sont-ils donc tous des voleurs ?
Je ne regarde pas le monde à travers la photo. Je mange le monde à travers elle. Pendant longtemps, j’ai découpé des magazines pour n’en garder que des photos que je collais sur des pages ou dans des cahiers. J’en ai gardé très peu. Et maintenant, nous sommes passés à l’heure du fichier informatique. Nous sommes à l’heure où chacun d’entre nous peut avoir sa propre iconothèque nourrie aux délices d’Internet, aux mirages du grand bazar numérique.

Quelque part, la photo, telle que je la vis, est une parenthèse de recueillement, une halte dans la course des étoiles, une pause sur images. Arrêtons-nous donc pour les regarder ensemble !

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